Suite au concours, un recueil de nouvelles a été publié. Cette nouvelle en est extraite.
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Sang histoire
♦ Sarah PETARD – 4e B ♦
Enseignante : Mme Amourette
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J’ouvre les yeux.
Je regarde le plafond. Je voudrais pleurer mais mes yeux sont tellement bouffis que c’est à peine si j’arrive à les ouvrir. Un mois que je suis là, dans mon lit. Je n’ai plus la force de manger, de dormir et encore moins de répondre aux questions idiotes d’une soi disant psy qui n’y connaît rien du tout, elle me l’a avoué…
Rien que de me rappeler pourquoi je suis comme ça, me donne envie de vomir. Mais mon estomac est tellement vide que je n’ai plus rien à sortir.
Je referme les yeux.
J’entends toquer à la porte, je suppose que c’est ma sœur mais je ne veux pas répondre parce que je sais qu’elle me trouve ridicule. En effet, Gretel pense qu’au contraire, on doit être fort et que, quoi qu’il arrive : il faut se battre ! Mais, j’ai toujours été le faible. J’en ai honte. Je voudrais disparaître à sa place. Je me sens mal. Qui est la victime cette fois-ci ?
« – Hansel ! Je sais que t’es réveillé donc réponds-moi, arrête ton cinéma et par pitié redescends sur terre….
– …
– Je vais te rassurer tout de suite. La nouvelle victime, c’est le boulanger, ce vieux grincheux. Comme les autres, son corps n’a pas été retrouvé…
– …
– D’accord, tu ne me réponds même pas, OK. Tu sais quoi, je ne reviendrai pas, t’as compris !?!?! Reste ‘dans la lune’ et ne compte pas sur moi… »
Quand j’étais petit, je tombais souvent « dans la lune » c’est à dire que d’un seul coup, j’arrêtais n’importe quelle activité, regardais dans la direction de la lune et recevais ‘les images’. Rien ne pouvait me sortir de ma torpeur. On pouvait hurler, me pousser, me chatouiller, me jeter de l’eau à la figure et même m’assassiner que cela ne m’aurait réveillé. Mais les véritables problèmes commencèrent quand je me mis à parler aux autres de mes ‘images’, ces histoires qui hantaient mon esprit.
Ainsi quand je vins voir Amaras et que je lui expliquai que la première fois qu’elle verrait son prince charmant, ce serait une bête hideuse, je me créai ma première ennemie. Mais ce ne fut pas la seule. Ensuite, il y eut Léa, quand je lui dis qu’elle mourrait le soir de Noël en allumant sa dernière allumette. Puis, Aurore quand elle apprit qu’elle dormirait cent ans car il faut l’avouer, elle est complètement stupide. Et Antoine aussi, qui passerait son temps à se perdre dans la forêt et à retrouver son chemin pour se faire à nouveau abandonner par ses parents. Enfin bref, à la fin de l’année, plus personne ne m’adressait la parole, je n’avais plus aucun ami et je passais mes récrés seul. Jusqu’au jour où les meurtres ont commencé et ma mère est décédée. La toute première victime. Depuis ce meurtre, tous les jours, à minuit pile, une nouvelle victime est tuée…
Je me réveille. Je m’étais endormi ? Je ne me souviens plus. J’attends une heure, deux heures : le temps passe lentement.… Et puis, non ça y est une image, je ferme les yeux… trop tard, les mots, les images défilent, je laisse faire, surpassé.
Riquet à la houppe
Il était une fois une reine qui accoucha un jour d’un fils si laid qu’on se demanda si ce n’était pas un animal doté d’une petite houppe au dessus de la tête. On le surnomma : Riquet à la houppe. Riquet étant son nom de famille.
Je reconnus immédiatement Nathan qui était particulièrement désagréable et avait toujours quelque chose à dire…
Heureusement la bonne fée qui assistait à sa naissance lui dit qu’il serait très aimable, qu’il aurait beaucoup d’esprit et pourrait donner de l’esprit à la personne qu’il aimait le plus.
Mmmh ça dépend de quel point de vue…
Au bout de sept ou huit ans, la reine du royaume voisin accoucha de deux jumelles, l’une incroyablement belle mais sans esprit, ayant le pouvoir de rendre belle la personne qu’elle aime le plus, tandis que l’autre, extrêmement laide, était saine d’esprit. Très vite la belle fut jalouse de l’esprit de sa sœur, elle qui n’arrivait même pas à se servir un verre d’eau sans en mettre partout.
Exactement comme Éline…
Alors qu’elle ruminait sa peine dans la forêt, elle croisa Riquet à la houppe qui lui proposa un marché, il lui donnerait de l’esprit si elle acceptait de l’épouser dans un an. Ayant si peu d’esprit, elle pensa que cela n’arriverait jamais et accepta.
C’est ça, être sain d’esprit, faire du chantage à ceux qui n’en ont pas !!!
Ainsi quand vint le jour de se marier, la princesse fut extrêmement surprise, Riquet à la houppe se vexa et la princesse soupira : « Si seulement il pouvait être beau ! » et POUF !!! Il se transforma en un magnifique prince charmant et ils se marièrent.
Et voilà encore une histoire qui se termine mal ! Et l’autre jumelle alors ???
Ah, là, là, là… Je suis encore dans cette salle, à chaque fin d’histoire c’est comme ça : une salle immense sans sol, ni plafond. Là dedans, c’est comme dans Alice au pays des merveilles, sauf que je ne tombe pas. Je vole. Les étagères sur les côtés ne supportent ni le poids des livres, ni le poids du service à thé. Je sais comment en sortir, il me suffit de serrer les yeux très fort. Mais, cette fois, j’ai envie de visiter cet endroit. Je me balade, quand soudain au centre de la pièce, j’aperçois une ombre couverte de tâches de sang, en train d’écrire. Enfin, je pense que cette ombre écrivait car j’ai vite fermé les yeux. Je me suis donc réveillé assis, sur mon lit. Bref, je ne l’ai pas bien vue. J’ai le cœur qui bat très fort. Je ne suis pas en sécurité là-bas. Moi qui m’y retrouve très souvent, c’est la première fois que je la vois. Bon, c’est vrai que d’habitude, je n’explore pas cet endroit : il me fait peur. Je vais finir par mourir, comme les autres. Je suis terrifié.
J’entends toquer à la porte : Gretel… La porte s’ouvre d’un grand coup. Je me fige. Ce n’est pas elle… C’est mon oncle, mon voisin. Un peu comme tout le monde, il est très proche de Gretel mais ne m’apprécie pas trop. C’est un ancien policier qui doit être à la retraite depuis longtemps mais qui pense quand même pouvoir arrêter le criminel. Je sais que je fais partie des principaux suspects. Il est vrai que je fais plus ou moins partie de l’entourage proche de pratiquement toutes les victimes. Après ma mère, il y avait eu l’épicier chez qui j’étais resté le plus longtemps possible pour éviter d’aller voir ma psy. Puis Léo, avec qui je venais de me battre dans la journée. Ensuite, ce fut le tour de mon professeur qui venait de me mettre une retenue, etc. A force de voir mon entourage mourir les uns après les autres, j’ai décidé que plus jamais je ne sortirais de ma chambre… Et puis, comme j’y passe mes journées et mes nuits à observer mes images, forcément mon oncle me prend pour un sorcier jeteur de maléfices.
« – Suis-moi ! m’ordonna-t-il.
Je suis paralysé, je sens qu’il s’est passé quelque chose de grave mais mon corps refuse de bouger. Il sort son revolver : un vieux FP-45 Liberator. Sa main tremble, il me tient en joug.
– Maintenant, tu vas te lever et me suivre gentiment ou je t’explose la tête sans prendre la peine de vérifier si t’es un sorcier.
– Qu’est-ce qui s’est passé, bordel ?! dis-je, ressemblant plus à un fantôme qu’à un sorcier.
– Sorcier ! Ne joue pas avec moi ! Tu l’as tuée…
Sa voix se brisa. Si tout à l’heure j’étais pâle, maintenant j’étais complètement livide.
– Qui est mort !?! soufflais-je à peine.
Il me regarda avec dégoût. Je ne sais pourquoi mais j’ai compris, je le vois dans son regard. Je le supplie par la pensée mais rien n’y fait…
– Gretel. »
Je crie. Une fois. Ma tête tourne. Deux fois. Je hurle. On aurait pu m’entendre à l’autre bout du quartier. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je sens des bras m’attraper. Je me débats de toutes mes forces. J’ai la nausée. J’entends un rire. Je me rends compte que c’est le mien. Je sens ma tête tourner. J’ouvre la fenêtre. J’inspire un grand bol d’air. Je saute. J’atterris sur l’herbe. Je vomis. Je vois des gens en costume bleu braquer leurs armes sur moi. Il fait nuit. Je plonge dans un buisson.
Je les entends me chercher. Ils parlent. Je n’entends plus rien. Je ne sens même pas les épines du buisson me rentrer dans la peau. Je suis trop triste, dévasté. Les larmes coulent sur mon visage.
« – Gretel… … … »
Elle avait toujours été forte. C’était à moi de mourir. Personne ne compte sur moi, cela n’aurait rien changé.
La tristesse laisse peu à peu place à la rage. Je déteste la personne qui l’a tuée. Plus que ça, je la hais, la maudis. Pire, il n’y a aucun mot pour décrire le sentiment que j’éprouve. Je lui ferai payer son crime. Je la tuerai, lui arracherai les yeux, l’égorgerai, me baignerai dans son sang. Je suis épouvantable. Désormais, ce ne sera plus moi le faible, je serai le fort !
Ce sera moi qui jetterai la sorcière et sa maison de pain d’épices, dans son four brûlant ; et non Gretel !
Appelez-moi Gretel !
Je sors de mon buisson en prenant soin de me faufiler dans l’ombre de la rue d’en face sans me faire repérer : à cause des épines, je suis couvert de sang, j’attirerais facilement l’attention… Je finis par m’endormir.
Je me réveille. J’ai peur qu’on me voit et qu’on me dénonce à la police. En même temps, dans cette histoire, ça doit pas mal rassurer les gens que ce ne soit qu’un gamin, pour qui la vie a mal tourné, qui accomplit meurtre sur meurtre. Le problème, c’est que ce n’est pas moi… Maintenant que j’ai les idées claires, je me rends compte d’un truc : et si les meurtres avaient un rapport avec mes images !? Et si c’était ce monstre qui les tuait… J’entends mon cœur battre. J’inspire un grand coup et me parle pour me rassurer : « Calme-toi, Hansel, calme-toi… »
Je ne suis pas Hansel, je suis Gret…, je vais me battre…
Je sens une ‘image’ arriver… NON, ce n’est pas le moment…. concentre-toi, concentre-toi.… Trop tard, les images défilent, rien ne peut les arrêter et j’ai trop peur de la salle pour faire attention à l’histoire.
Ils vécurent heureux et se marièrent…
Ça y est c’est la fin de l’histoire, j’ai peur. Je suis encore dans cette salle. L’ombre est là, elle écrit encore… Ce n’est pas une ombre, c’est… GRETEL !!!
Je cligne des yeux. Je me retrouve à l’air libre. Gretel ? Ce n’est pas possible, elle est morte. Et si elle n’était pas morte ? Après tout, on n’a jamais retrouvé de corps. Et si elle appartenait à une énorme organisation qui terrorise notre village, si personne n’était mort, si c’était juste une énorme blague, si maman en était la fondatrice et qu’elle attendait de moi que je sois fort, si en réalité tout le monde voyait des images…
Il faut que j’arrête ! Se donner de faux espoirs ne va pas me permettre d’avancer mais j’ai trop peur. Je continue de ruminer mes pensées en déambulant dans les rues toute la journée. Je stresse. Bon, au boulot !
J’entre dans un bâtiment en passant par un trou dans le grillage, puis en cassant une fenêtre tout en priant pour qu’il n’y ait pas d’alarme. J’allume la lampe de poche que j’étais allé récupérer quelques heures plus tôt et observe les colonnes de livres qui s’étalent jusqu’au plafond. Une épaisse couche de poussière les macule. Personne n’avait dû rentrer ici depuis belle lurette. Normal, je me trouve dans l’ancienne bibliothèque. Elle était spécialisée dans les contes de fée et avait fermé il y a une vingtaine d’années car elle tombait en ruines. Cela demandait beaucoup d’entretien alors que plus personne n’y allait. On aurait pu rénover le bâtiment pour une autre utilisation mais cela aurait coûté beaucoup trop cher. Bref, la bibliothèque était tombée dans l’oubli. J’observe les contes et je remarque que je les connais tous en majorité. Je finis par trouver celui que je cherche : ‘Hansel et Gretel’.
Je tourne les pages jusqu’à ce que… Non ! Elle a été arrachée. Il y avait quelque chose collé sur cette page qui m’appartenait, qui nous appartenait. On l’avait caché avec Gretel, il y a longtemps, quand nous nous adressions encore la parole sans nous hurler dessus. C’était un sachet qui me permettait de décupler mes capacités et donc de contrôler les ‘images’… J’en aurais eu bien besoin ! C’était en réalité de la farine de maïs. Ma mère, dans sa folie cuisinière, en avait un jour mis dans son gâteau. Je n’avais plus eu d’images de toute la semaine. J’en mangeais, à cette époque, tout le temps, j’avais l’impression d’être normal. Mais quand ma mère est morte, j’ai commencé à déprimer, à m’enfermer dans ma bulle et à aimer mes images. J’arrêtai d’en prendre…
Pourquoi Gretel avait-elle pris le sachet ?
Soudain, je comprends… Les images : une ombre à l’intérieur ; Gretel qui se trouve être l’ombre ; le sachet disparu. Quelqu’un a forcément eu besoin de cette substance… Gretel, pourquoi ne m’en avais-tu pas parlé avant ? Pourquoi m’avais-tu caché que, toi aussi, tu voyais des images ? Cette ombre n’a aucun rapport avec les meurtres… Je me laisse emporter par les images jusqu’à la salle…
Une vague de soulagement me traverse. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ressenti cela. Gretel est encore là, elle écrit… Je m’approche. Elle me regarde bizarrement, il n’y avait jamais eu cette expression avant sur son visage : la haine. Elle déforme tout son visage et je me doute que quelque chose cloche mais malgré tout je me lance :
« – Gretel, je sais tout maintenant, toi aussi tu savais tout et tu ne m’as même pas prévenu ! lui dis-je.
– Non ! Tu ne sais pas, Hansel ! Tu ne sais rien !
– Bien sûr que si ! Je….
– Tais-toi ! Tu ne comprends jamais rien !!!
Soudain, je palis et si je m’étais trompé sur toute la ligne. Et si c’était Gretel la meurtrière…
– Écoute-moi… suppliais-je.
– Non, toi écoute-moi ! Tu ne m’écoutes jamais quand je te parle ! Et tu sais pourquoi ?!? Parce que tu es fou. Voilà pourquoi !!! Tu passes tes journées depuis que tu es né à parler à des gens qui ne sont pas là ! A te mettre à rire aux enterrements, à tomber en pleurs aux anniversaires, à répondre des choses complètement incohérentes quand on te demande l’heure, à te mettre dans une colère dévastatrice quand on te demande quand passe le prochain bus ! Tu es fou !
Elle avait l’air au bord de la crise de nerf.
– Gretel…
– Et pour la dernière fois, je ne suis pas Gretel ! Tu n’as pas de sœur ! Je suis ta psychiatre.
– Mais les meurtres…
– Il n’y a pas de meurtres ! Tu as commencé à nous sortir ça quand on a décidé de t’enfermer dans un asile alors que tu devenais dangereux. Même dans l’asile, ta folie s’est aggravée. Tu passais tes journées à hurler au meurtre. Mais nous avons été obligés de t’isoler quand tu as commencé à tuer les autres pensionnaires. Ensuite, la direction a pensé que tu devais continuer à être suivi par des psychiatres. Mais à chaque fois, on les a retrouvés morts. C’est la dixième fois que je te parle et je me demande sérieusement quand je vais y passer… »
Je vois progressivement ses traits vieillir d’une dizaine d’années et se déformer. Non ! Ce n’est pas possible ! Je comprends l’espace d’un instant que tout est faux : la bibliothèque, l’école, ma maison, ma vie… Nous sommes en réalité dans un bureau et je me revois en train d’égorger une vieille femme avec de grosses pustules sur le nez. Immonde…
Un sourire sadique emplit mon visage. Je suis fou, taré !
Le sang me couvre le visage et un rire monstrueux traverse le ciel.
JE N’ALLAIS ÉPARGNER PERSONNE !